Malgré les quelques avantages qu’il offre, le travail de nuit taxe la santé des travailleurs qui l’exercent et pose des exigences bien spécifiques pour le maintien de la santé.
Dans notre société occidentale ou plus de 25% des travailleurs occupent des postes à horaires atypiques, la tendance serait d’appliquer sans discernement les rythmes des navigateurs solitaires et des pilotes d’avion aux travailleurs des entreprises. Ce choix qui ne tient pas compte de facteurs physiologiques représente un défi posé aux lois de la nature. Si le travail de nuit attire et convient à quelques irréductibles, d’autres personnes risquent de présenter un syndrome de désynchronisation-désadaptation (ou dissociation chrono-biologique interne).
Les travailleurs de nuit devraient pouvoir bénéficier des connaissances chrono-biologiques indispensables à leur mode de vie. À la lumière des connaissances récentes sur les cycles du sommeil, il semble que chacun n’a pas les mêmes capacités d’adaptation et, qu’il existe de véritables “contre-indications génétiques” au travail posté.
Le travail posté en 3×8, appelé aussi travail en équipe, a été adopté pour répondre à des besoins de production continue et d’augmentation de rentabilité. Ce type de travail implique que l’organisme du travailleur est soumis régulièrement à des rythmes qui ne concordent pas avec ceux de son horloge biologique, engendrant une fatigue difficile à récupérer ainsi que des troubles du sommeil pouvant être source de maladies et d´accidents au travail ou en revenant au domicile.
C’est le rythme circadien basé sur l’alternance jour / nuit qui nous dicte de dormir la nuit et de rester éveillé le jour; ce rythme vital gère notamment la température du corps ainsi que la sécrétion et la libération d’hormones. Les capacités de vigilance du travailleur dépendent en grande partie de ce rythme et c’est pour cela que le maintien de la vigilance en pleine nuit exige des efforts doublés pour ne pas se laisser envahir par la somnolence. Dormir le jour est également rendu plus difficile, d’autant que l’environnement extérieur est non seulement marqué par la lumière du jour mais aussi par des nuisances sonores beaucoup plus présentes.
Évoquant le rôle du rythme circadien, le Dr Wakim souligne que l’homme peut s’adapter au travail de nuit, si l’activité est effectuée d’une manière régulière. Et d’expliquer que «les glandes endocrines, régies par le rythme nycthéméral, sécrètent des quantités différentes d’hormones entre la nuit et le jour». «Cependant, quand une personne travaille régulièrement la nuit, ses glandes sécrètent des hormones à un rythme comparable à celui de la journée», poursuit-il.
Pourtant, il relève tout de même que, «même si les travailleurs de nuit se portent bien physiquement, c’est leur vie familiale et sociale qui en souffre beaucoup». Afin de pouvoir effectuer un travail de nuit à long terme, une règle d’or est à suivre : récupérer le sommeil perdu. Sinon, le cycle du sommeil en souffrira, et les personnes effectuant un travail de nuit deviendront «irritables, insomniaques, nerveuses, angoissées et surmenées», indique le Dr Wakim en ajoutant qu’elles peuvent «également développer des problèmes d’hypertension et d’ulcère».
Au laboratoire de psychologie à l’USJ, MM. Georges Rabbat et Robert Rizk soutiennent que «même si on effectue durant de longues années un travail de nuit sans faire face à des problèmes, les répercussions, physiques ou psychologiques, se feront ressentir tôt ou tard». Pour les deux psychologues, non seulement «le travail de nuit provoque des problèmes d’hypertension, de myopie et d’hypermétropie», mais aussi «les personnes qui effectuent cette activité vieillissent beaucoup plus vite que les autres». De plus, ils affirment que, «du moment que le travailleur de nuit doit se forcer à rester éveillé, il travaille dans un climat stressant».
Le travail de nuit & la loi
La Loi fédérale sur le travail, entrée en vigueur le 1er août 2000 stipule que le travailleur, qui est occupé pendant plus de 25 nuits par an, a droit à un examen médical préventif qui vise à évaluer les principaux problèmes de santé liés à son travail et à y trouver des solutions. L’employeur en assume les frais. Le travailleur de moins de 45 ans peut faire valoir ce droit tous les 2 ans et chaque année à partir de 45 ans.
Cet examen revêt un caractère obligatoire pour les travailleurs de nuit qui sont en sus exposés à des situations pénibles ou dangereuses comme l’exposition au bruit, aux fortes vibrations, à la chaleur et au froid, à des polluants, avec dépassement des valeurs limites admises, à des contraintes excessives d’ordre physique, psychique ou mental ou lorsqu’il travaille de manière isolée (c’est à dire sans la présence de collègues)
Depuis le 1er août 2003, les entreprises qui occupent des travailleurs régulièrement ou périodiquement la nuit (plus de 24 nuits par année civile) doivent accorder une compensation en temps équivalant à 10 % de la durée de ce travail (art. 17b LTr).
Pour les femmes enceintes, il est connu que le travail de nuit est un facteur d’insuffisance pondérale de l’enfant à la naissance, de prématurité et d’avortement. La Loi fédérale stipule d’ailleurs que chaque fois que cela est réalisable, l’employeur est tenu de proposer aux femmes enceintes qui effectuent un travail de soir ou un travail de nuit, un travail équivalent entre 06h00 et 20h00. Durant les huit semaines qui précèdent l’accouchement, il y a interdiction d’occuper une femme enceinte entre 20h00 et 06h00.
L’OCIRT se tient à votre disposition pour examiner les questions pratiques qui se posent dans l’application de cette prescription. On peut les joindre au numéro de téléphone 022 388 29 29
Recommandations
Etant bien entendu que ce type de travail est nécessaire pour assurer les services d’assistance, tels que les pompiers, la police, les urgences & les hôpitaux, comment en limiter les conséquences? Le travailleur de nuit, plus que quiconque, se doit de respecter une bonne hygiène de vie. Voici donc quelques recommandations
- Dormez toujours dans votre lit, évitez de vous endormir devant la télévision
- Instaurez un rituel avant de vous coucher
- Dormez dans une pièce calme et bien obscurcie
- Evitez de boire de l’alcool avant de vous coucher : l’alcool influence de façon négative la qualité du sommeil
- Le sport et l’activité physique ont une influence favorable sur la résistance. Evitez toutefois de fournir des efforts trop violents durant les trois heures qui précèdent le coucher
- Un repas trop lourd peut avoir un effet soporifique. Essayez de prendre votre repas principal avant 1 heure du matin
- Le café est un bon excitant, mais peut devenir dangereux lorsqu’il est consommé en trop grande quantité. La consommation de caféine en fin de nuit peut favoriser l’insomnie
En conclusion, si le dicton voudrait que “l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt”, nous pourrions ajouter que le travail de nuit lui, appartient à ceux qui se lèvent tard, tant il est primordial pour le travailleur de nuit de bénéficier d’un sommeil récupérateur pour compenser la perte de sommeil que ses horaires lui font subir.
Références & liens
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/informations-pratiques/fiches-pratiques/duree-du-travail/travail-nuit.html#sommaire_5
http://forum.orange.fr/liremessages.php?idsection=1804&thread=61633 (Dr Wakim)
http://www.css.ch/fr/f_flyer_nachtarbeit.pdf
http://www.geneve.ch/ocirt/sante_securite_travail/LTr_Nuit.asp#top
http://www.solvital.fr/
“Effets du travail de nuit sur la santé”, Revue Médicale Suisse, n° 181, novembre 2008
“Travail de nuit et santé”, Elisabeth Conne-Pérard & Jean Parrat, Conférence romande et tessinoise des offices cantonaux de protection des travailleurs, avril 2004
Lucie Moisan, décembre 2008